Les vagues de l’océan, un spectacle à la fois apaisant et impressionnant, sont plus complexes qu’il n’y paraît. Bien que leur mécanique de base semble simple – l’eau perturbée par le vent – comprendre mathématiquement leur comportement a été un défi de longue date pour les scientifiques.
Pendant des siècles, les mathématiciens ont eu du mal à décrire comment ces ondes se propagent sur de vastes distances et interagissent avec des perturbations telles que les vents ou le passage des bateaux. Les équations régissant l’écoulement des fluides, décrites pour la première fois par Leonhard Euler au XVIIIe siècle, semblaient d’une simplicité trompeuse. Pourtant, même les modèles d’ondes de base se sont révélés incroyablement difficiles à analyser mathématiquement.
L’histoire des vagues océaniques est marquée par des débats séculaires sur la stabilité, ponctués d’avancées dont les secrets ont seulement récemment commencé à percer. Les premiers efforts se sont concentrés sur la description d’ondes idéales et immuables appelées ondes de Stokes, qui persistent théoriquement pour toujours dans des conditions parfaitement calmes.
Mais les vrais océans sont rarement calmes. Dans les années 1960, des expériences ont montré que ces ondes de Stokes apparemment stables pouvaient en réalité être étonnamment susceptibles d’être perturbées par certains types de perturbations. Ces instabilités, désormais connues sous le nom d’instabilités de Benjamin-Feir, menaçaient de renverser l’hypothèse selon laquelle de telles vagues dureraient toujours.
Ce mystère de l’instabilité s’est encore approfondi en 2011 lorsque les mathématiciens appliqués Bernard Deconinck et Katie Oliveras ont fait une découverte surprenante en exécutant des simulations informatiques. Ils ont découvert que les perturbations provoquant la destruction des vagues n’apparaissaient pas simplement au hasard ; au lieu de cela, ils se sont formés selon un schéma répétitif – comme des îlots de perturbation entrecoupés de périodes de stabilité. Ce schéma inattendu suggérait une série infinie de ces « îlots » d’instabilité, s’étendant même aux fréquences les plus élevées imaginables.
L’équipe soupçonnait que ce schéma était dicté par les équations d’Euler elles-mêmes, mais ne disposait pas des outils nécessaires pour le prouver. Leur conjecture est restée non confirmée pendant des années.
Entrez Alberto Maspero et son groupe de recherche à Trieste, en Italie. Ils ont réalisé qu’ils pouvaient coder chaque instabilité dans une matrice mathématique complexe. Le chiffre clé de ces matrices contenait la réponse : s’il était zéro, la vague survivrait ; s’il était positif, il succomberait à la destruction.
L’équipe de Maspero a méticuleusement calculé ce nombre pour les premières instabilités, mais s’est vite rendu compte de l’ampleur de la tâche : déterminer ce nombre pour une série infinie ! C’est là qu’ils se sont tournés vers la puissance informatique et l’expertise de Doron Zeilberger, un mathématicien réputé pour ses prouesses algorithmiques.
Le puissant programme informatique de Zeilberger, Shalosh B. Ekhad, a analysé les chiffres sans relâche, pour finalement vérifier que ces « îles » étaient réellement réelles. Les calculs ont confirmé que chacune des îles avait une valeur positive, ce qui signifie que chaque île provoquerait effectivement une destruction en théorie pour toujours.
Ce travail monumental offre enfin aux mathématiciens une compréhension précise de la manière dont différentes perturbations peuvent affecter les vagues océaniques, ouvrant ainsi la porte à de futures recherches sur la dynamique des vagues et leur influence sur les régimes météorologiques, l’érosion côtière et les écosystèmes marins. Les mouvements apparemment simples de l’eau se sont révélés régis par des règles mathématiques subtiles mais profondes – des îles cachées dans la vaste étendue du rythme de l’océan.




















